Par Marc Hemery, Photographies Jean-Michel Bossuet.
L’aventure Corvus a débuté en 2004 grâce à Tamás Gecse et Andras Voloscsuk, les deux piliers de la société aujourd’hui encore. La première série d’avions qu’ils développèrent fut les Corone, du MK I au MK V, focalisés sur la vitesse et la capacité à supporter des facteurs de charge bien plus que respectables. Le MK V, resté à l’état de prototype, avait poussé le curseur jusqu’à +9/-9 g avec une marge de sécurité de 1,5. Plus qu’il n’en faut pour casser le pilote avant l’appareil. Dans l’évolution des MK, Corvus a bien sûr calculé ses machines pour les 600 kg de MTOW de la catégorie LSA, le Light Sport Aircraft initié il y a un peu plus de dix ans par les États-Unis, et même les 750 kg de la catégorie VLA, le standard européen.
Puis fut commercialisé en 2008 le Phantom, toujours avec une aile basse et le carbone comme matériau de base, et le Fusion de notre essai début 2012.
En 2013, Corvus s’expatrie en Chine et devient Corvus Aerospace Suzhou, du nom de l’agglomération mitoyenne de Shanghai. Le Fusion se retrouve au centre d’une industrie locale maîtrisant les matériaux composites pour l’automobile et il profite alors de la technique du carbone pré-imprégné, gageure d’un meilleur contrôle du poids en comparaison à celle du tissu mouillé. Qualitativement, de nombreux détails profitent également de cette expatriation comme l’adjonction de réservoirs dans les ailes qui font passer de 65 à 94 litres la capacité d’emport de carburant. Autres exemples, les commandes passent du tube en aluminium au tube en carbone et l’angle des roues est pincé de 15° vers l’intérieur pour qu’une fois chargés, les pneus se retrouvent à plat et ne s’usent pas dissymétriquement. La longueur des volets est également légèrement réduite, ce qui a permis de modifier le renfort de l’aile et offre ainsi la possibilité de rapprocher l’aire de marche sur l’aile pour ne pas enjamber trop loin lorsque l’on monte sur celle-ci. Globalement, l’industrialisation donne aussi une meilleure interchangeabilité des éléments du fuselage et des pièces entre elles.
Le dessin du Racer 312 est resté identique à celui du Fusion : fluide, allongé et caractérisé par une aile d’un seul tenant au profil symétrique de type Eppler. Cette formule aérodynamique, souvent privilégiée pour les avions de voltige, offre une meilleure maniabilité et a le mérite de bien se comporter en vol inversé. Le revers de la médaille est souvent un comportement moins facile à basse vitesse. Pour assurer la solidité de l’ensemble, l’aile est armée d’un longeron d’un seul tenant et boulonnée sur un cadre en acier dans la partie inférieure du fuselage ; l’ensemble est associé au train d’atterrissage principal. La lame de train est en aluminium également d’un seul tenant. Du costaud, tout comme le reste de la machine faite en grande partie de carbone sandwich pré-imprégné, technologie dont le Fusion ne bénéficiait pas. Cela lui a permis de maîtriser sa masse à vide sur la balance et de gagner in fine une quinzaine de kilos. À la fibre de carbone, Corvus a associé du nid d’abeille, largement utilisé en aéronautique moderne ainsi que du Kevlar. Le constructeur n’a donc pas donné de limite de vie au fuselage tant l’ensemble est annoncé comme solide.
Les systèmes hydrauliques, carburant et moteur, sont au standard aéronautique. Le groupe motopropulseur est séparé de la cabine par une cloison par feu en titane dont la résistance d’isolation à la chaleur est au moins de 600 degrés. Il faut 800 heures de main-d’œuvre pour produire un Racer 312, ce qui n’est pas si important que cela au regard d’autres modèles d’avions légers utilisant des modes de production plus complexes. Là encore, l’industrialisation a apporté beaucoup et fait gagner environ 50 % de temps de fabrication. Après six semaines de bateau, les Racer arrivent en Europe et sont finis dans l’ancienne usine hongroise. Là, on installe l’avionique à la demande, on personnalise l’appareil en fonction des goûts et des choix d’options des clients. On y implante aussi le moteur, un Rotax 912 dans sa version non certifiée ULS de 100 CV.
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