Au moment où je me mettais à mon édito, la tâche que j’entreprends parfaitement isolé du monde extérieur au moyen d’un casque diffusant une musique susceptible de m’inspirer, celle-ci a stoppé net et, en bon esclave des nouvelles technologies, j’ai regardé mon smartphone et y ai aperçu la photo de Patrice Magot, l’ancien responsable des ventes du secteur réacteur de Cessna Aircraft. Évidemment, il m’était impossible de ne pas répondre mais, de toute façon, je suis incapable de ne pas répondre à un appel.
La coïncidence était parfaite car j’avais déjà mon sujet bien en tête, cette question de la dictature du smartphone était le corollaire du sujet que je souhaitais aborder, à savoir le week-end de fin juin que nous avions coorganisé à Orléans Loire-Valley.
Je sais, c’est l’époque qui veut cela, nous nous trouvons tous mille raisons pour rester connectés en permanence, jeter fréquemment un coup d’œil discret à nos écrans, intrigués, voire inquiets s’ils ne bipent pas. Le terme dictature est du reste faible dans la mesure où l’amitié ordinaire s’entretient aujourd’hui via des applications et se résume pour l’essentiel aux bips qui signalent l’arrivée d’une nouvelle tranche de vie.
C’est un mal, insidieux, car ces clins d’œil amicaux donnent l’impression que nos rapports sociaux sont normaux alors que la vraie vie ne saurait se résumer à des notifications. Nous en avons eu la démonstration à Orléans où le Friendly Fly-In nous a permis d’observer qu’un rassemblement de pilotes en chair et en os n’avait rien à voir avec ces rencontres virtuelles via Facebook, WhatsApp, LinkedIn ou Instagram.
Finalement, nous étions 150 au BBQ de midi, moitié moins le soir à l’hôtel Mercure lors de notre dîner de gala. Personnellement, j’espérais deux fois plus de bouches à nourrir, même s’il y avait plusieurs autres événements que le nôtre le même jour, et certainement tout aussi importants.
En plus, pour contrarier nos ambitions, la vague de chaleur a eu raison de la volonté de ceux qui n’avaient probablement jamais volé en Afrique, ni au Moyen-Orient, et qui désiraient la place de hangar que nous ne pouvions leur offrir, hélas. Quant aux promesses qui nous avaient été faites, elles n’engageaient évidemment que ceux qui les avaient reçues : de Lognes, notre aérodrome d’adoption, il n’est venu qu’un seul avion alors que la plupart des présidents d’aéro-clubs rencontrés nous avaient laissés espérer une démonstration de force, pouvant servir leur chiffre d’affaires de juin. De l’Allemagne, que nous avions sollicitée au travers de différentes associations, aucun ami n’est venu alors que plusieurs nous avaient assurés de leur présence lors du récent Fly-In de Ratisbonne, puisque nous avions fait l’effort d’aller jusqu’à eux. Donnant-donnant.
Donc mille mercis et bravissimo à tous ceux qui ont osé affronter des airs peu porteurs depuis Bergerac, Brive, Rennes ou encore Vesoul. Et aussi aux malins qui ont préféré venir en voiture, pour profiter de la clim, en leur rappelant quand même, pour la prochaine fois, qu’un Fly-In, c’est censé être un rassemblement d’avions !
Cela nous a permis de sentir leur plaisir de se retrouver entre pilotes, à midi, sur l’aérodrome, autour d’un BBQ ou le soir, au Mercure, devant une excellente table, au son d’un ensemble musical talentueux, pour ceux qui avaient envie d’imaginer leur prochain raid, vers Eureka par 80°N peut-être, ou 10° plus haut – 600 nautiques de plus, on n’est pas à cela près – au pôle Nord puisque les Russes y ouvrent une piste l’été prochain, avons-nous appris de l’un d’entre eux.
Ce jour-là, les smartphones ont disparu toute la journée, nous avons vécu la vraie vie, avec embrassades et poignées de main, cadeaux bien réels de nos sponsors Garmin, Jeppesen, Bose, et baptêmes en Sonaca 200, Piper M500 et DA42. Que du concret. Nos conférenciers ont fait salle comble, alors que certaines prestations étaient ardues, comme celle d’Emmanuel Davidson sur l’utilisation des moteurs à pistons ou de Romain Spadiny sur l’avionique glass cockpit connectée. Mais peut-être était-ce dû à la climatisation de la confortable salle mise à notre disposition par Orléans Loire-Valley, une escale exemplaire à tous points de vue, et dont le directeur, Jean-François Vassal, est le magicien.
Tout le monde a été épaté par celui-ci. Ils le seront plus encore en apprenant qu’il avait réussi à convaincre l’Autorité que les pilotes indisciplinés que nous sommes allaient cohabiter harmonieusement avec les nombreux VIP invités le même jour en Sologne et le ballet de jets d’affaires associé. Certes, Jean-François n’a pas pensé à organiser une poignée de main mémorable entre Juan Carlos 1er et nos friendly flyers lorsque l’ex-roi d’Espagne a débarqué de son Challenger, mais nul ne saurait lui en tenir rigueur !
Jacques CALLIES