Dans tous nos articles récents, nous avons mis en avant la mort du GPS Aviation portable. Face à des tablettes IOS ou Android, connectés et capables de mettre à jour leurs données en permanence, les GPS portables avaient bien du mal à rester compétitifs.
Garmin, une fois de plus, vient de prendre le marché à contre-pied et vient d’annoncer une tablette de 7 pouces, WIFI, à écran lisible en plein soleil et dédiée à l’aviation l’Aera 760.
Et après un examen poussé des caractéristiques de cet appareil, il y a bien des chances que Garmin gagne son pari de lancer un GPS portable dédié à l’aviation générale.
Ce ne sont pas des nouveautés fracassantes au niveau des fonctionnalités, mais bien sa capacité d’intégration qui fait la différence avec un simple iPad ou une tablette Android.
Caractéristiques de base
Il s’agit d’un GPS aviation de 7 pouces de diagonale. Semblable à un iPad Mini. C’est le format le plus apprécié des pilotes d’aviation générale qui ne volent que dans des cockpits relativement exigus. Suffisamment grand pour ressentir l’effet « cinéma », mais assez petit pour se loger même dans le cockpit d’un planeur. Le boitier est solide, apte à résister aux agressions et chocs inévitables dans un avion ou pendant le transport. L’écran est très bonne facture, au standard WVGA, il offre une résolution honorable de 480 par 800 pixels au pouce. Rétroéclairé, l’écran TFT est lisible en plein soleil. L’affichage occupe 7 pouces (l’appareil garde des bords destinés à la protection de l’écran. La taille « hors-tout » est 7.29 pouces. On peut basculer l’affichage en mode portrait (vertical) ou paysage (horizontal). L’écran est, bien sûr, tactile. L’appareil fonctionne avec une batterie interne qui autorise une autonomie sans recharge de 4 heures. Cette autonomie, plus faible que celle d’une tablette conventionnelle, s’explique par la consommation de l’écran, optimisé pour la vie dans le cockpit.
Pour recharger l’Aera 760, vous recevrez un chargeur secteur 27 W muni d’un câble USB -C. Vous pourrez également l’alimenter en vol au moyen d’un câble USB-C, avec une source d’alimentation comprise entre 10 et 35 V ou, en charge lente, depuis une prise USB.
L’antenne GPS est intégrée, comme c’est le cas depuis longtemps sur la gamme Aera. Nous n’avons jamais eu de problème de réception des signaux GPS dans le passé. Toutefois, une des options de l’appareil est l’adjonction d’une antenne extérieure. Il en existe deux modèles : la première est une antenne simple avec un câble de trois mètres (une trentaine de dollars américains), la deuxième est une antenne alimentée, pour diminuer l’appétit en électrons du GPS. Elle est fournie avec un câble de 2.5 m et coute une centaine de dollars.
Le récepteur GPS dernier cri est compatible avec les constellations américaine (GPS), Européennes (Galilléo) et Russe (Glonass). Ce qui garantit une couverture mondiale. Le récepteur est complété par un étage WAAS/SBAS/Glonass ce qui garantit la plus grande précision de positionnement possible.
De plus, ce GPS portable a été conçu pour résister à la chaleur, parfois très élevée dans un cockpit, aux vibrations et aux chutes (modérées, ne jouez pas à la pétanque avec, « pour voir » !
Vidéo de présentation de l’Aera 760 (en anglais)
Un GPS communiquant
C’est à ce niveau que les véritables avantages de ce GPS se révèlent. En effet, s’il est possible d’interfacer sa tablette aux navigateurs GPS de dernière génération en utilisant le WIFI, nombre d’équipements avionique sont restés seuls dans leur coin. Prenez un GNS 430W par exemple. Il est difficile de le faire communiquer avec un iPad sans installer à bord un Garmin FlightStream 210. Cet appareil va permettre à l’iPad de communiquer en Bluetooth avec les GNS 430W. Vous pourrez échanger des informations de type plan de vol entre les deux machines et ainsi faire en sorte que les deux appareils affichent en toutes circonstances les mêmes données.
Mais voilà : un FlightStream 210, même s’il offre une source AHRS de secours en standard, vaut la bagatelle de 850 à 900 euros (prix généralement constaté). Ce qui est le prix d’un iPad…
L’Aéra 760, même à un prix de 1500 USD, peut se connecter à votre avionique, si elle dépourvue de Bluetooth ou de Wifi, au travers d’un simple câble de connexion qui servira à transférer les données depuis et vers votre avionique et qui, en même temps, rechargera votre Aera en vol.
L’Aera 760 propose des entrées et sorties qui permettent le branchement d’une antenne extérieure, alimentée ou non, un port USB-C et un lecteur de carte MicroSD. Grâce au câble alimentation / RS232C on peut établir deux connexions filaires à l’avionique tout en alimentant le GPS. Ce qui laisse encore deux canaux de communication sans fil disponibles (WIFI et Bluetooth)
En termes de communication, vous aurez donc exactement les mêmes fonctionnalités qu’avec le FlightStream 210. Pour ce qui se seraient déjà équipé de ce boitier, la connexion se fera, naturellement et sans fils. Bien sûr, cela ne suffira pas à convaincre tous les pilotes ! Il n’en reste pas moins que les possibilités de connexion ne se limitent pas aux seuls navigateurs GPS. On peut connecter son Aera 760 à un G5, et obtenir ainsi sur son Aera toutes les informations délivrées par cet appareil. On pourra récupérer les informations d’assiette, de vitesse, de cap, par exemple. On comprend que l’on a affaire à un écran d’affichage MFD intelligent, capable de s’intégrer dans un tableau de bord que l’utilisateur n’a pas voulu équiper d’un glass-cockpit comme un G3X ou un G500.
Un appareil dont on a modernisé le tableau de bord avec un ou deux G5, sur lequel on a conservé ses GNS, pourra disposer d’un écran capable d’afficher les cartes de navigation en route, VFR ou IFR, les cartes de terrain Jeppesen ou Garmin (toutes deux géo référencées dans la majorité des cas), les fiches de percées IFR (géo référencées) Jeppesen ou Garmin, mais aussi bien d’autres informations transmises par WIFI comme le trafic ADS-B ou TIS-B, la météo par satellite (Il existe un système Iridium Garmin, fait pour l’Europe). Les options sont nombreuses !
L’affichage cartographique, paramétrable permet d’intégrer les routiers IFR low et High altitude, les cartes de terrain géo référencées
Du coté des avions VFR, une autre possibilité est intéressante, la liaison avec un pilote automatique de la marque qui permet de suivre un plan de vol LNAV/VNAV (navigation latérale et verticale), comme sur un avion équipé d’un G1000 et d’un GFC700. Là aussi, à cause des limitations imposées par les autorités nationales, ce n’est peut-être pas pour tout de suite en Europe. Mais, vous l’avez compris, ce GPS est fait pour parler et écouter d’autres appareils installés. La présence de deux circuits RS-232C permet d’assouvir presque toutes ses envies.
Et au sol ?
L’un des grands avantages des tablettes sur les GPS aviation portables est cette faculté de mettre ses données à jour avant un vol. On est ainsi sûr que les données de navigation aéronautiques, la météo et d’autres renseignements comme les NOTAM sont à jour avant un vol. C’était totalement vrai, jusqu’à maintenant. En effet l’Aera 760 dispose d’un circuit WIFI. C’est grâce à lui que vous pourrez mettre les données principales à jour avant chaque vol. Les données météo seront aussi mises à jour par ce même canal. Comme nous n’avons pas encore eu l’occasion de voler avec cet appareil, nous n’avons pas encore testé le partage de connexion, parfois possible en vol, avec un smartphone. Mais, sur le papier, rien ne devrait s’y opposer !
L’autre nouveauté, c’est l’abonnement data à un prix raisonnable, enfin au moins aux USA ! L’un des points faibles des ancêtres du dernier né de la gamme Garmin, c’était le coût des mises à jour des données aéronautiques. De plus, cet abonnement venait s’ajouter à ceux déjà souscrits pour les autres appareils présents à bord. Garmin continue à accroitre la liste des appareils qui peuvent bénéficier de « packs » qui regroupent les besoins de plusieurs appareils. C’est une tendance que l’on aimerait voir se généraliser encore plus, surtout en Europe qui reste un peu le parent pauvre de cette histoire… Espérons que Garmin prenne rapidement la mesure de la dis satisfaction exprimée par les clients européens qui payent depuis des années le prix fort pour la mise à jour de leurs GNS 430 et 530 et qui ne peuvent bénéficier d’offres équivalentes à celles proposées aux clients Nord-américains.
Avant de prendre une décision d’achat, l’estimation des coûts liés aux données est très importante.
Des fonctions nouvelles et une interface unifiée
Depuis longtemps Garmin mise sur les habitudes des pilotes. Habitué à une interface utilisateur donnée, ce dernier aura du mal à en changer. C’est pour cette raison que vous ne serez pas dépaysé devant un Aera 760. Son interface ressemble comme deux gouttes d’eau à celle des nouveaux GTN Xi ou à celle de Garmin Pilot. Autrement dit, pas de temps d’apprentissage pour un pilote déjà habitué à la gamme.
L’écran d’accueil est familier aux utilisateurs de la marque. Garmin a compris très tôt l’importance d’une interface unifiée, permettant à tous les utilisateurs de prendre en mains un produit de manière quasi instantanée. C’est un avantage certain, surtout dans le cas d’un GPS utilisé comme un écran MFD, en conjonction avec des GTN650 ou 750.
Mais Garmin a rajouté un certain nombre de fonctionnalités intéressantes dans cet appareil. La vue 3D, initialement apparue sur le GPS 795 est présente, mais beaucoup plus fluide. On peut ainsi avoir une vision synthétique grâce à la centrale d’attitude intégrée, même si l’on n’est pas équipé d’un glass cockpit. Certains nous dirons que l’iPad le fait aussi ! Certes, mais pas de manière aussi convaincante. C’est évidemment dû aux progrès réalisés dans le domaine des semi-conducteurs et des processeurs. Pour avoir une référence d’attitude et de vitesse ultra précise, il faut utiliser une source comme un GTX 345 ou un GDL52, lui-même connecté au circuit Pitot/statique de l’avion. Bien d’autres appareils de la marque sont utilisables comme le GDL39.
La vision synthétique n’a rien à envier à celle que l’on peut voir sur un glass cockpit. Remarquez l’information de trafic (point jaune) qui vient en superposition juste au-dessus de l’horizon. La référence d’attitude viendra soit de l’Aera avec son AHRS intégrée, soit d’une AHRS externe (GTX 345, G5, G500, G500 TXi, GDL52 ou autres appareils de la marque ou compatibles) pour avoir des indications ultra précises venant d’une source reliée au Pitot/statique de l’appareil.
Vous trouverez aussi des fonctions comme une calculatrice E6B, toujours pratique en vol, et la personnalisation de votre appareil avec des cartes et données supplémentaires. Les pilotes d’hélicoptères peuvent choisir d’ajouter la base de données qui regroupe la position et l’altitude exacte des câbles et les lignes à haute tension (la version européenne mettra encore un peu de temps à arriver). L’utilisation de cette base baptisée « WireAware » est paramétrable de manière très intelligente. On peut demander à l’appareil de prendre la référence des obstacles signalés en QFE ou QNH, selon la préférence exprimée par le pilote.
L’option « WireAware » permet de visualiser les câbles électriques tendus à travers ce fleuve. Bientôt disponible en Europe !
On a donc le choix de la référence de l’altitude relative des obstacles par rapport à l’aéronef. Autre possibilité, ajouter une cartographie détaillée qui comprenne les adresses terrestres. Pratique pour se rendre sur les lieux d’un accident de la route par exemple. Dans ce cas la base de données vient se loger dans un lecteur de cartes MicroSD. Vous l’aurez compris, Garmin ouvre la porte à l’adjonction de différentes données au sein de son navigateur portable. On peut aussi charger des documents PDF et les afficher sur l’écran. Pratique pour une copie des manuels de vols, rappel des procédures d’interceptions, liste des signaux lumineux etc.
Avec une cartographie optionnelle comprenant les adresses physiques, on pourra naviguer vers n’importe quel point identifiable comme un croisement de routes, un échangeur autoroutier ou une adresse postale.
En conclusion
Garmin vient de prendre tous les analystes du marché l’avionique à contre-pied. Ne négligeant aucun segment de marché, Garmin propose des solutions adaptées aux préférences de chacun. Dans le cas de l’Aéra 760, la marque américaine propose de véritables nouveautés avec un GPS qui ne manquera pas d’intéresser ceux qui veulent les bénéfices d’un appareil capables d’être mis à jour avant un vol (y compris pour les données météo), de se connecter à d’autres maillons de la chaine avionique et de se comporter comme un MFD synchronisé avec les navigateurs de bord. Annoncé à un prix de 1500 USD pour une disponibilité en mai/juin, il devrait intéresser nombre de pilotes. Certains vont hululer que c’est un prix astronomique, mais en y regardant de plus près, cela correspond au prix d’un iPad muni d’une ou deux applications aéronautiques avec leurs mises à jour annuelles. Ce sont donc ceux qui vont utiliser simultanément les deux prises séries avec des câbles pour une liaison avionique et les connexions sans fils qui vont apprécier le plus cet appareil, décidemment à part !