Notre ami Silvio est mort. Sur la route des châteaux de la Loire, lors d’une collision aérienne dans le ciel de Loches, le 10 octobre. Ce lundi, à Châtellerault, sur le tarmac de Silvair Services, avant que la tempête Barbara ne le fasse fuir, un soleil bienveillant a fait étinceler pendant quelques heures son cercueil blanc, la couleur qu’il aimait tant. Et il a réchauffé les corps et les âmes des 500 amis venus passer un dernier après-midi avec lui, embrasser de loin son épouse Véronique, ses enfants Aurélie et César, écouter des témoignages évoquant la mémoire de l’Italien préféré des cercles aéronautiques, Français de cœur, pétri de joie de vivre et d’humanité.
Tous ont participé à une messe, concélébrée en plein air sur l’aérodrome interdit par NOTAM, au milieu des avions silencieux. César Vio, son fils, pilote lui aussi, a souhaité dédramatiser cette mort cruelle en citant Saint-Ex : « Ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort » et Aurélie, sa fille, nous a bouleversés en évoquant Silvio dans sa vie ordinaire, elle a expliqué son père comme seules les filles savent le faire, et je crois bien que tout le monde a pleuré, sans pudeur car nous étions masqués. Et quand la cérémonie semblait terminée, elle est revenue au micro, en coup de vent, ajouter que, derrière chaque grand homme, se cachait toujours une grande femme ! Nous avons ri et, surtout, applaudi Véronique Vio.
J’ai souhaité commencer mon édito avec Silvio, non pour rappeler ses œuvres – vous trouvez tout, et même plus, sur le web –, mais parce que j’ai senti ce lundi, que la vie allait retrouver son cours, comme toujours, que les obligations sociales avaient quand même un sens malgré les visages masqués, la distanciation, les peurs.
Je n’y croyais plus, après avoir répondu à quelques invitations, la dernière en date étant l’inauguration du nouvel atelier mécanique Farman à Avignon, où je n’avais pas pu reconnaître les gens, à peine mon vieil ami Thierry Bigarra, tellement l’obligation de devoir porter un masque entre un canapé « au saumon fumé et mascarpone » et un autre « au chèvre et lamelles de jambon cru à la roquette » était exaspérante et m’incitait à ne faire aucun effort.
Erreur. J’en ai eu la confirmation en allant saluer les membres des Ailes Châtelleraudaises : « Pas la peine d’enlever votre masque, Jacques, on vous a reconnu ! » Grâce à mon crâne dégarni et mon embonpoint ? On a ri, on a parlé du futur, j’ai échangé avec un élève de l’ENSMA de Poitiers qui s’interrogeait sur son avenir comme ingénieur dans l’aéronautique. Je lui ai conseillé, certes de faire preuve de cette fameuse résilience, dont nous rebattent les oreilles à longueur de débats les psychologues des plateaux de BFM et LCI – nous sommes bien forcés d’accepter de vivre ce moment de stress intense –, mais, surtout, de s’engager dans le combat pour un monde, certes différent, mais qui a du sens pour son futur diplôme d’ingénieur aéronautique, à moins de bifurquer vers une filière solaire, éolienne ou encore le secteur de la biomasse !
Nous n’allons pas pouvoir nous contenter encore bien longtemps du plaisir solitaire que devient le pilotage d’un avion privé, même si, vue du ciel, notre planète est si belle et les soucis rampants semblent bien loin de nous. « Le ciel est à tout le monde ! » clamait ce cher Gérard Feldzer il y a trente ans, en brandissant le poing vigoureusement lors de ses prises de parole pour défendre l’aviation générale dont l’espace vital et les droits rétrécissaient alors comme peau de chagrin. Il est temps que le ciel revienne aussi aux avions de ligne !
J’ai bien sûr parlé du Greta ! qui s’en vient, ce Groupement de Réflexion d’Experts en Transition Aéronautique, que nous voulons apolitique, qui sera ouvert aux dizaines de milliers de gens concernés par la chose aéronautique. Mais, avant cela, il faut qu’il ait une assise solide, constituée de femmes et d’hommes dont la parole compte. Ils sont déjà une trentaine à avoir accepté la mission. Du reste, c’est grâce à Claude Lelaie, l’ancien patron des essais en vol d’Airbus, l’un de mes électrons libres préférés, que nous avons rajouté ce point d’exclamation, clin d’œil à Hop ! : « Greta, c’est intrigant, mais il ne faudrait pas qu’on confonde avec la terrible gamine ! » C’est vrai, en plus, Antoine, notre webmaster, nous a prévenus, une association qui se positionne directement contre Greta Thunberg va faire l’objet de nombreuses tentatives de piratage plus ou moins violentes par des hackeurs pro-Greta du deepweb. La sécurité doit donc être la priorité de notre projet mais, comme l’exprimait aussi Saint-Ex, « Dans la vie, il n’y a pas de solutions ; il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent. »
Jacques CALLIES