Où trouver suffisamment de force pour traverser les épreuves actuelles ? Certainement pas auprès de nos confrères des médias d’information et de leurs invités qui, non contents de nous abreuver de nouvelles épouvantables, discutent et se disputent ensuite à longueur de plateaux sur les dangers qui nous attendent jusqu’à la fin du siècle. Sans compter la dette abyssale qui, que, etc.
Les heures sombres, c’est le titre qui me trottait dans la tête, depuis quelques jours que je réfléchissais à mon édito. Demain, cette page partira vers l’imprimeur, mais je sais que cette référence au film où Gary Oldman campe un tonitruant Churchill en plein désarroi, à la recherche des mots qui vont lui permettre de changer le cours de l’histoire, est trop mélodramatique. J’en conviens d’autant plus facilement qu’Emmanuel Davidson, auprès duquel je teste souvent mes idées quand elles me paraissent bancales, m’a dit hier qu’il me préférait quand je faisais référence à Winston en rappelant son célèbre « Cigars, whisky and… no sport ».
Pourtant, nous sommes bien en guerre, face au coronavirus, comme l’a déclaré l’autre Emmanuel le 17 mars dernier. Des hommes en souffrent, en meurent directement ou par dommage collatéral, par la faute d’une médecine hospitalière surchargée. Faites attention à vous, je viens de perdre ainsi François Daubrée. C’était un oncle, mon parrain, mon inspirateur, un actionnaire parmi les plus fidèles. Il était attentif, pudique, peu critique, toujours prompt à envoyer un SMS positif : « Je viens de lire ton édito d’octobre. Bravo. C’est bien envoyé ! » Je n’ai jamais senti chez cet oncle, radiologue de métier, une réelle passion pour l’aérien. Il avait simplement accepté de me suivre et de me soutenir il y a plus de 40 ans dans mon aventure aéronautique, et si j’ai parfois réussi à l’emmener dans les airs, de jour, de nuit, et même à travers l’Atlantique, c’est par ses enfants que j’ai su qu’il avait adoré.
De toutes les façons, avec ou sans coronavirus, les générations se remplacent, le monde change et il me faudra bien l’admette un jour, même si je me refuse à regarder la réalité en face, tellement la vie trépidante que j’ai menée et mène encore auprès de vous, ou bien pour vous, est formidable.
Par le plus grand des hasards, l’un de nos lecteurs a tenu à me le rappeler l’année dernière, en m’invitant à le rencontrer. Un abonné prestigieux, président d’un grand groupe de médias TV et magazine. Cela aurait pu m’intriguer si ma carrière dans la presse spécialisée n’avait démarré convenablement que grâce aux conseils d’un autre lecteur célèbre, Pierre Barret, P-DG d’Europe 1 à l’époque. Ce dernier me les avait prodigués à table, au Plaza Athénée – une épreuve pour le jeune homme que j’étais –, avant de me confier à Monique Effenberger, sa première collaboratrice et gestionnaire.
Cette fois, le rendez-vous, plus compliqué à organiser, s’est tenu finalement au domicile du président. Simplement. Après les politesses d’usage, les compliments de part et d’autre – « Je regarde tous les jours votre télé… J’aime vraiment le ton de votre revue » – nous avons parlé aviation et beaux avions avant qu’il n’aborde ce qui lui tenait à cœur, et que je résumerai ainsi : « Les temps changent, votre lectorat vieillit, comme vous. Alors, il est temps de penser à la relève, à changer de logiciel, à imaginer une vraie revue digitale ! »
C’était exactement ce que je ne voulais pas entendre, moi qui aime tellement le poids et l’odeur du papier. Mais, après mûres réflexions et hésitations, je me suis dit qu’il ne pouvait y avoir de hasard, ce lecteur était finalement un messager, comme l’avait été Pierre Barret.
Et aussi que l’époque s’y prêtait.
Vous allez découvrir dans les pages qui suivent un sondage auquel il est important de répondre, non pas pour gagner les cadeaux que nos amis annonceurs nous permettront de vous offrir si jamais la chance vous sourit, mais simplement parce, de vos réponses, dépendront nos choix, et l’avenir de votre magazine.
Pensez aussi à vous abonner, enfin, même si vous adorez votre kiosquier, et les rites qui vont avec : je pense, par exemple, au Genevois Claude Gelès qui en profite pour s’offrir un café-croissant au bistrot d’en face, ou au Seine-et-Marnais Frédéric Mazouzi qui ne manquerait pour rien au monde sa balade du dernier samedi du mois, au bras de son épouse, avec le chien qui tire sur sa laisse. Et à des dizaines d’autres amis qui ne savent peut-être pas que cette distribution est extrêmement coûteuse (55 % du prix affiché) et, en plus, risquée désormais.
Nous vivons une époque insensée. L’aérien est menacé mais nous nous battons, cela en vaut la peine car les hommes regarderont toujours en l’air, les enfants auront toujours envie de voler et d’apprendre à piloter. Et nous devons être là pour les y aider !
Heureux Noël !
Jacques CALLIES