Vous avez peut-être suivi l’investiture de Joseph Biden à la présidence des États-Unis. D’ordinaire, je me serais contenté du résumé du « 20 heures » mais, cette fois, j’ai regardé pendant des heures, assis à mon bureau, l’écran de mon iPhone où je faisais défiler les chaînes d’informations continues. La veille du bouclage, en plus, ce qui allait m’obliger à rattraper le temps perdu pendant la nuit. Mais nous avons l’habitude des matins blêmes, c’est comme une addiction. Les confinements et couvre-feux auraient dû nous soigner, mais non puisque nous avons le droit de nous déplacer : n’avons-nous pas pour mission d’entretenir l’indispensable flamme qui doit briller dans votre regard ?
Pourquoi étais-je captivé, au point d’avoir été malpoli au téléphone avec un fidèle lecteur, un excellent ami : « Tu es au courant que Joe Biden est en train de parler, Patrick ? Donc, on se rappelle ! »
Qu’espérais-je apprendre ? Rien qui me permette de parler politique. Hier, en fait, je voulais regarder, scruter, détailler, observer comment le « phare du monde » allait nous éclairer pendant la journée, jouer ou pas le jeu social et politique, bref, se comporter en pandémie. Ce que j’ai vu m’a rassuré. Certes, une brochette de présidents des États-Unis, côte à côte, masqués de noir, ou bien des centaines de milliers de petits drapeaux flottant au vent à la place de milliers d’Américains joyeux et braillards, ce n’était pas ordinaire, mais personne ne semblait sauver les apparences. Le message était clair, celui d’une vie ordinaire.
Et cela m’a conforté car c’était exactement l’impression que j’avais recueillie après avoir rencontré, sans me déplacer bien loin – notre N77GJ a eu une panne intéressante comme vous le lirez plus loin – plein de « fellow pilots » en ce début d’année, masque sur le nez le plus longtemps et souvent possible, s’entend.
Ainsi, à Melun, à l’annexe de l’école de pilotage Airways, lors d’un « échange » de plus de deux heures avec une trentaine de futurs pilotes – aucune interruption, la génération actuelle est plus respectueuse que la mienne, on entendait la Covid voler –, j’ai prêché mon amour de l’aviation devant un auditoire acquis, qui croyait en son avenir, même après avoir abandonné un métier pour certains.
Le lendemain, cela nous a valu le débarquement en nos bureaux de Lognes du volubile et génial Jérôme Binachon, le fondateur d’Alsim et nouveau propriétaire d’Airways, qui souhaitait me remercier pour l’enthousiasme que j’avais véhiculé. Arrivé à 10 heures du matin, il est reparti de nos bureaux à 18 heures – nous avons trouvé un moyen de le nourrir, rassurez-vous –, après avoir conversé passionnément sur un projet qu’il compte démarrer à court terme et qui concerne les pilotes professionnels. Son enthousiasme était si contagieux que j’ai appelé Michel Malécot, l’un de mes mentors, sans réfléchir qu’il était deux heures du matin sur le « caillou ». Une fois Michel tiré des bras de Morphée, ce fut un bonheur d’échanger avec lui sur notre aviation et de sentir un enthousiasme intact.
Quelques jours plus tard, j’étais à Toussus, assis à l’arrière d’un TB20 aux couleurs Aéropyrénées, à observer Édouard batailler dans les nuages bas et les rafales de vent à l’occasion d’une prorogation IFR. Après bientôt une année que les pilotes privés n’ont pas eu le droit de voler, ou si peu, ce vol de contrôle, généralement de routine, a été comme un combat, l’autopilote étant interdit, entre horizon, cap, altitude, radio, trajectoires. Un vol tellement engagé, furieux et vital, qu’il montrait sans ambiguïté que les automatismes et autres autopilotes ne sont pas nécessairement indispensables à un pilote correctement formé. C’était rassurant, tout autant que cette cinquantaine d’élèves masqués que j’ai croisés dans les couloirs de l’école et qui avaient les yeux pleins de rêves, de sourires et d’espoir.
Bastien Abadie, CEO d’Aeropyrénées Flight Center, en a profité pour me signaler Appyflight, l’application Android, promue par Aerosaclay, qui permet de dénoncer instantanément et facilement à l’Autorité les avions, et donc les pilotes, qui ne seraient pas sur la bonne trajectoire, quelle qu’en soit la raison, ou bien feraient trop de bruit. J’ai vérifié, cette « chose » existe, et son auteur est fier de sa création. L’histoire se répète, c’est connu, donc la délation est de nouveau à l’ordre du jour… Gageons que l’Autorité classera sans suite les dénonciations, le plus souvent calomnieuses, car générées par la fin du silence mortifère d’un monde confiné. À ce propos, je laisserai le mot de la fin à Régis qui fait preuve d’un optimisme que j’aime tant : « Il n’aura certainement échappé à personne que les centaines de millions de vaccins anti-Covid produits dans quelques laboratoires à travers le monde ne sont pas distribués à travers la planète en voilier mais bien en avion, puis en camion… » Irréfutable ! Sans rire !
Jacques CALLIES