L’acte ou l’action méritant la qualification de haute trahison est un crime qui consiste en une extrême déloyauté à l’égard de son pays, de son chef d’État, de son gouvernement ou de ses institutions, nous apprend le dictionnaire. L’aéronautique étant une vénérable institution, et l’école Airways un de ses piliers, je considère donc notre ami Jérôme Binachon, le trublion fondateur d’ALSIM, qui nous entraînait dans des délires revigorants, comme un traître.
Le mot est violent, je le sais, il est plus dans mes habitudes de taquiner que d’attaquer ouvertement : mieux vaut débloquer une situation, ouvrir des portes… Mais, hélas, c’est mission impossible car la déloyauté de Jérôme serait avérée, elle a du reste fait pendant plusieurs jours les choux gras de la presse nationale et régionale : pas loin de dix millions d’euros évaporés en déplacements en jet, en frais dignes d’un potentat de république bananière, en salaires et avantages en nature inconsidérés, alloués sans discernement à quelques profiteurs.
Un « successful entrepreneur », voilà ce que Jérôme était à nos yeux, un peu déjanté, certes, mais la réussite d’ALSIM dissipait les doutes, pourquoi s’inquiéter du fait qu’il se déplace avec les fastes et les pompes d’un oligarque russe s’il en avait les moyens. Mais ce n’était pas le cas, ses millions auraient appartenu aux élèves de l’école de pilotage Airways College, dont certains n’auraient pas même effectué, selon l’enquête de Jean-Michel que vous lirez plus loin, leur première heure de vol !
Comme nous avons suivi le parcours de Jérôme chez ALSIM avec grand intérêt, que nous avons pris plaisir à l’écouter discourir à mille à l’heure, à inventer l’improbable tout en le rendant crédible, nous prenons cette trahison à cœur, et je lui dédie donc personnellement cet édito puisqu’il m’avait déclaré en mars dernier par SMS interposé : « J’ai adoré ton édito et l’article sur le HondaJet : les docteurs et Dieu vous conseillent la lecture d’Aviation et Pilote une fois par mois, et trois fois son édito, devrait-on lire sur tous les murs de toutes les villes et toutes les églises. »
Je sais, Jérôme, que l’aviation est malade et qu’il ne faut pas tirer sur les ambulances mais, cette fois-ci, ce ne sont pas les écolos qui ont cassé le rêve, mais toi !
Alors, quelles solutions ? Passer de la formation « fast food Monsanto » à une formation en apprentissage dans l’esprit des compagnons, comme tu le suggères ? L’idée est vraiment séduisante et, comme nous avons pratiqué le compagnonnage lors de nos raids, en compagnie de nos lecteurs, nous connaissons la valeur du système. Mais il implique des surcoûts et une disponibilité accrue des formateurs. L’argent, tu nous as fait croire que tu l’investissais dans Airways College alors que tu en asséchais les caisses. Si quelques initiatives sont en cours pour redémarrer l’activité, il faudrait qu’une d’entre elles soit soutenue par un richissime mécène, capable de doter l’école de 8 millions d’euros puisqu’il faut en priorité « sauver le soldat Ryan », comme le dit l’un des créanciers et potentiel repreneur.
Nous en appelons donc à la communauté des pilotes, cela a déjà fonctionné, pour que les élèves d’Airways College, dépouillés de manière bien moyenâgeuse, terminent une formation payée à l’avance. Car, pour l’heure, la gente politique, que ce soit à l’échelle nationale, du côté de Jean-Baptiste Djebarri, ou régionale, du côté des présidents de région concernés par les bases Airways, traîne d’autant plus la patte que l’aéronautique n’a pas bonne presse, qu’il n’y a donc aucune voix à y gagner à un tel sauvetage. Avis aux Pinault et consorts, et à tous ceux qui aiment voyager en avion…
Mais comme le rêve est éternel, motivés plus que jamais après cette publicité désastreuse, nous espérons renverser la tendance lors du premier événement que le Cercle Aéronautique du Parlement (CAP) – dont nous sommes des membres actifs – organise le 14 juillet prochain à Poitiers, pour célébrer cette liberté que nous chérissons tous et aussi pour contrer les incessantes attaques auxquelles l’anglicisme « aviation bashing » donne un caractère presque irrationnel, ce qui est d’une injustice flagrante pour notre aéronautique et pour nos ingénieurs qui contribuent à nous diriger vers une nécessaire transition. Trois thèmes y seront abordés, en plus de la transition écologique aérienne : l’avion et l’aéroport, les métiers de l’aéronautique et les innovations technologiques.
Notre but est de poursuivre notre l’objectif de faire découvrir, informer et rêver le public et les médias qui seront présents sur l’aéroport. Dans une zone déclassée et réservée aux aéronefs, nous « invitons » 70 pilotes, au maximum, à nous contacter s’ils souhaitent participer.
Et si jamais l’un de vous connait le 06 de Daniel Cohn-Bendit, je suis preneur, bien sûr !
Jacques CALLIES