Il y a quelques semaines, Shell vient de suspendre la construction de son unité de production de SAF au Shell Energy and Chemicals Park à Rotterdam, annoncée en 2021 et qui devrait produire 820 000 tonnes de carburant durable d’aviation, soit un peu plus d’un milliard de litres. C’est une sorte de mauvais signe envoyé à la fois aux compagnies aériennes européennes qui vont avoir un besoin de plus en plus important de ce type de carburant. Manifestement, l’essencier a des doutes sur le marché et la rentabilité du projet. Le pétrolier aurait parlé de conditions difficiles de marché compte tenu de la concurrence et de la faculté pour les compagnies de se fournir à l’étranger. Il n’y a rien de surnaturel à cela : la filière est balbutiante et les airlines trouvent des solutions pour leur approvisionnement, Air France étant l’une des plus grosses compagnies à se fournir à l’extérieur.
Cette suspension est quand même un mauvais signal envoyé aux compagnies puisque plus la production sera importante, plus les prix pourraient baisser. Cette décision arrive après la fermeture aux USA de Fulcrum BioEnergy qui pourtant avait pu lever des fonds avant l’arrêt. Cette fois, ce sont des problèmes techniques qui avaient plombé l’exploitation, cela demandant par la suite des centaines de millions d’euros pour poursuivre. Ces deux événements ne vont pas dans le sens de l’histoire, mais surtout des exigences de IATA, l’association internationale du transport aérien qui estime que 30 % des carburants verts doivent être réservés à l’aviation, cela au-delà des autres secteurs qui demandent ce type de carburant, pour l’heure, l’association estime que ce volume ne dépasse pas 6 %. Pour IATA, c’est la seule voie qui permette de parvenir à l’objectif de zéro émission pour 2050.
D’autant que dans le cadre du règlement « initative ReFuelEU aviation » (qui ne concerne que l’Europe donc), l’incorporation de 2 % de SAF dans le kérosène devient obligatoire dès le 1er janvier prochain, cette proportion devra être de 70 % en 2050, 6 en 2030, 20 en 2035, etc. IATA exhorte les états et les pétroliers à mettre en place une filière d’approvisionnement durable. Pour les premiers, l’association préfère la voie américaine qui subventionne la production, plutôt que la voie européenne qui incite par des mandats d’incorporation. Par ailleurs, Willie Walsh, le directeur de IATA a clairement expliqué que les pétroliers avaient gagné assez d’argent et qu’il attendait une plus grande participation de leur part dans ces programmes.
Toutefois, face à cette « défection » de Shell, le marché du SAF reste très attractif. L’entreprise chinoise Ecoceres produit du SAF destiné à l’exportation depuis la Chine, mais une seconde usine en Malaisie devrait produire en 2025 300 000 tonnes de SAF dont 200 000 pour l’aviation. Il y a quelques jours, EcoCeres a livré son premier navire avec 10 millions de litres (750 000 tonnes) de SAF, produit par la technologie HEFA-SPK au terminal Evos de Gand, ce dernier est un complexe de stockage qui approvisionne la plateforme de Bruxelles.