Ce 17 juin, un beau matin de bouclage, j’ai demandé à Maxime, notre élancé et pourtant « chuchotant » stagiaire de seconde, de patienter un peu, car j’étais encore sur mon édito alors que je devais l’emmener à notre rédaction de Lognes. Maxime est, selon Daniel, un collègue du conseil municipal, un excellent élève, un matheux en plus, qui souhaite, du moins selon lui, embrasser la carrière de pilote de ligne. Eh bien, je l’ai un peu observé hier, notre Maxime et son mobile multifonction, en fait, il n’a, ni pris le temps d’observer les avions qui décollaient devant nos fenêtres, ni montré d’intérêt en apprenant qu’il allait accompagner mercredi Jean-Michel Bossuet au salon du Bourget… Alors que moi, à son âge, j’aurais donné ma chemise pour entendre cela !
Il est donc urgent de réveiller ses rêves d’enfance de devenir pompier, astronaute, explorateur, pilote, président de la République, que sais-je encore. Disparu tout cela, sous des strates de routine domestique et scolaire, et les milliers de pages des réseaux sociaux qui le bipent tout au long de la journée pour le rappeler à l’écran.
Peut-être bien que, tout à l’heure, je vais l’inviter à monter sur la terrasse qui surplombe nos bureaux et l’obliger à hurler, aux étourneaux et aux Robin qui décollent, sa chance d’être là, d’être en vie, d’être bien entouré, d’avoir une tête bien faite et, évidemment, un avenir possible dans l’aérien. Car n’est-ce pas tout l’intérêt de ces stages – je pense particulièrement à Nathalie Schiantarelli de l’Institut Mermoz qui accueille bénévolement Lilou en ce moment –, les pros de l’aérien comptent sur nous, prosélytes convaincus, en cette période compliquée par le manque de vocations.
Mais rien n’est perdu, j’en suis sûr pour avoir déjeuné samedi dernier à Pontoise, à l’invitation de l’aéroclub Hispano Suiza qui fêtait ses 80 ans d’existence – 500 membres, 34 avions (dont 10 cloués au sol par manque de mécaniciens) – et les 50 ans de présidence de l’inoxydable Bernard Choix, autrefois notaire à Neuilly, aujourd’hui récoltant éleveur dans le Bordelais. Voilà un homme haut en couleur, provocateur d’emblée, histoire de masquer une probable timidité, un gentil que j’ai bien apprécié dès les années quatre-vingt, et que je n’ai pas été étonné de retrouver entouré par au moins 300 membres de son club comme Michèle, 41 ans de club, Maëlle, Benoit, Côme, Line, Martine, Jean-Baptiste, 61 ans au club, bénévoles et volontaires pour composer des salades mélangées, s’affairer au BBQ pour cuire saucisses et côtelettes, et confectionner des desserts de grand-mère. « C’est une fête importante car Hispano est un gros club, ancien, il fallait marquer le coup » a hurlé Pascale dans le brouhaha. J’ai questionné Bernard Choix sur la méthode et les qualités nécessaires pour arriver à un tel engouement sur une telle durée. Il m’a marmonné : « La méthode ? Il n’y en a pas. Les qualités ? Il n’y en a pas non plus. Personne n’est indispensable, mais, disons que certains sont plus utiles que d’autres. » Modeste, en plus !
Cela m’a donné envie de faire des recherches sur le bénévolat dans le milieu associatif loi 1901 et j’ai découvert qu’il concernait environ 20 millions de Français, dont 12,5 millions au sein d’associations. Et, qu’en valeur économique, il représenterait l’équivalent de plus de 100 milliards d’euros par an en équivalent temps plein, selon les estimations de France Bénévolat et de l’INSEE. Et que d’autres pays, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Allemagne et la Suède, par exemple, avaient des cultures associatives plus ou moins proches des nôtres.
Pour finir, j’ai interrogé Philippe Favarel, mon président poète du Cercle Aéronautique du Parlement, sur son engagement personnel, et j’ai reçu ce mail en retour : « C’est un joli nom, camarade, chantait Jean Ferrat à l’aube des années soixante-dix. Si le temps a vu s’envoler les paroles du poète, un autre terme pourrait trouver la même dimension : c’est un joli nom, bénévole ! Quoi de plus beau, en ce vingt et unième siècle, que d’offrir son énergie et ses compétences pour un projet associatif que l’on porte et que l’on partage. Le monde aéronautique français est un creuset fertile, avec ses aéroclubs que les pays limitrophes regardent comme une carte VAC à l’envers. Les bénévoles, qui exercent les métiers les plus divers, ont la charge de ces microsociétés aux tâches administratives alourdies par des années de ponte d’une administration très prolixe… On peut devenir bénévole, mais, en règle générale, ce sont nos gènes qui sont les vecteurs de cet engagement. On est bénévole par nature, par cet altruisme, par ce désintéressement qui caractérise l’engagement. Être bénévole, c’est un voyage sur la destination « bonheur »… avec des jeunes qui réussissent le PPL, d’autres qui reviennent avec des galons de captain, de beaux voyages réalisés après des mois de tractations… des actions solidaires qui rapprochent les hommes, des actions caritatives qui font battre le cœur intensément… »
Tu as raison, Philippe, c’est un bien joli nom, bénévole, porteur d’espérance et de solidarité.
Jacques CALLIES