Alors que nos week-ends sont généralement consacrés à des aventures et des rencontres aéronautiques, aujourd’hui, nous travaillons dans nos bureaux de Lognes pour boucler le dernier article du numéro de mai, le salon Aero de Friedrichshafen, « la grand-messe » européenne, dont les accès se refermeront ce soir, et qui aura été fréquentée par 33 000 visiteurs. Le chiffre peut paraître impressionnant mais, relativisons, il est bien inférieur à celui du nombre des spectateurs qui ont envahi aujourd’hui les abords de la baie de Cannes où se tiennent les essais libres de la Red Bull Air Race.
Cet enthousiasme pour la chose aérienne fait plaisir mais que dit-il ? Simplement que Red Bull, champion de la communication, sait comment déplacer les foules vers n’importe quel événement. Et la question reste : sommes-nous capables d’en faire autant ? J’en doute quand je lève les yeux de mon ordinateur et que je n’aperçois que des avions en partance pour des tours de piste, sans passager, alors que la France est CAVOK, et que l’occasion de voyager sans risquer le tristement célèbre retour SNCF est inespérée.
C’est plutôt affligeant à observer et, comme je ne crois pas qu’une lampée de Red Bull soit suffisante pour nous redonner du tonus et des idées, je vous livre une piste de réflexion.
Le week-end dernier, j’ai été invité à donner un éclairage sur le coavionnage lors de l’assemblée générale d’un aéro-club qui souhaitait modifier son règlement intérieur en vue de pouvoir l’autoriser. C’était à mon sens une excellente initiative, qui m’a donné l’occasion, de surcroît, d’observer pendant quelques heures ce monde associatif que je connais mal.
Pratiquement tous les membres actifs de l’aéro-club étaient présents à la mairie du village ce dimanche matin, et d’excellente humeur, ce qui m’a semblé de bon augure jusqu’à ce que j’apprenne que 61 % d’entre eux pilotaient moins de 10 heures par an… Et que je m’aperçoive qu’il n’y avait que deux jeunes dans l’assemblée.
L’important n’est pas de guérir mais de vivre avec ses maux, dit-on. C’est vrai, mais il me semble tout aussi important de savoir que l’on est malade, ce qui ne semblait pas être le cas de mes amis du dimanche quand je leur ai fait remarquer que l’âge moyen des membres me semblait plutôt avancé et que j’ai reçu un insolent « Parle pour toi ! » en retour…
La question du coavionnage – le partage des coûts et son intérêt – restait aussi à démontrer pour ceux qui n’avaient pas encore intégré le fait que c’est l’argent qui fait voler les avions. Pourtant 44 % des membres de l’aéro-club avaient piloté moins de 5 heures en 2017…
Enfin, j’ai appris que leur avion glass cockpit allait être vendu parce qu’il avait été sous-utilisé, pour être remplacé par un second Robin à pendules car c’était l’avion qui volait, et donc la référence…
Tout ceci était assez difficile à entendre, surtout quand on sait que les aéro-clubs qui excellent ont adopté des techniques de communication d’aujourd’hui, ont modernisé leur flotte, ce qui veut dire aussi que les membres plus anciens ont fait l’effort d’apprendre à utiliser un avion avec une instrumentation moderne.
Vous vous en doutez, je me suis efforcé de communiquer mon enthousiasme, d’expliquer qu’il ne fallait pas préjuger des envies de la génération montante car elle a ses propres référentiels, de dire que tout reste possible à condition de le vouloir !
Pour vérifier si je n’avais pas prêché dans le désert, j’ai proposé jeudi dernier au matin d’organiser au débotté une séance de vol de nuit puisqu’il faisait beau, histoire aussi d’entretenir la flamme, d’amortir un balisage portatif sous-utilisé et, accessoirement, de me permettre d’atterrir.
N’ayant pas de réponse alors que nous décollions de Friedrichshafen à la nuit tombante, j’ai renvoyé un SMS au président, annonçant mon ETA pour 22 heures. Sa réponse m’a vraiment déçu : « Bonjour Jacques. Pas possible car délai trop court. »
Depuis, aucune nouvelle. Ah si, ce même SMS m’arrive depuis jeudi toutes les deux heures, comme pour me rappeler qu’il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir !
Jacques Callies